Mathieu Pirro

Chanson Française

Pendant longtemps j'ai voulu être Jacques Brel, c'est normal, c'est le plus grand.

Quoi de plus naturel quand on fait de la chanson dite à texte que de vouloir être Brel ? Si un auteur-compositeur me disait qu'il n'a jamais eu envie d'être Jacques Brel, je me méfierais de lui. Je ne le croirais pas. Et si je ne crois pas un chanteur, je ne peux pas l'aimer.

Je voulais être Jacques Brel. J'ai tout essayé : j'ai roulé les « r », j'ai pris l'accent bruxellois alors que je suis né à Marseille, je me suis laissé poussé les dents, les bras, j'ai transpiré, j'ai vomi (pas souvent mais une ou deux fois quand j'avais trop bu.)

Rien n'y a fait, je ne suis toujours pas Brel. J'ai admis que le plus difficile est d'accepter de n'être que soi-même. C'est un autre géant de la chanson, Brassens qui disait cela. Ils n'ont pas été voisins de palier pour rien.

Bref, ça va mieux, je ne veux plus être Jacques Brel.

Je veux être Léo Ferré.

— Mathieu Pirró

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Paroles de chansons

Les ailes et puis le plomb

Silence des guerres au fond de nos yeux Oracles innervés dans les glaces Lentes litanies et démons précieux Industrie d’une plume vorace Territoires minés de l’intime Utérus d’où jaillissent des chansons Dialogue du sang et de la rime Ensemble les ailes et puis le plomb

Belle et intelligente

Je veux une femme belle et puis intelligente Belle et puis intelligente Mais dans cet ordre là Je veux une femme belle et puis intelligente Belle et puis intelligente Et qui ne vieillit pas

Je vous choque pourtant Ce que veulent les hommes C’est bien ce que j’attends Vraiment ça vous débecte Je n’ai pas le désir Politiquement correct L’avez-vous sans mentir

Je veux une femme belle et puis intelligente Belle et puis intelligente Et qu’on regardera Je veux une femme belle est-ce dur à comprendre Belle et puis intelligente Je n’ le répéterai pas

Phallocrate sans cœur Machiste nazillon Que nenni belles sœurs Mais je soutiens pardon Qu’il faut considérer Les formes et puis le fond

Je veux une femme belle et puis intelligente Belle et si intelligente Que ça l’embellira

Itinéraires

Au son du canon j’ai marché Par le canon j’entends le chant Je rêve de lointains foyers Et puis d’exil à bout portant À la fiesta je fais la gueule Hors des manifs je reste au loin Je nous préfère quand on est seul On est moins con quand est moins

J’aime que mes chansons insultent L’insulte faite à l’enfance En nous comédie des adultes En joue les mômes bonjour potence Quand fossoyeurs de nos étoiles Il pleut du fond de nos poumons Ce crachin rouge sang et sale Comme la boue suant au front

L’avenir oui je m’en souviens Il espérait de tes yeux clairs Qui disait je ne sais plus bien Que le bonheur est un éclair Avant l’orage, les écrits sèment Ils de la mémoire dans le vent Si je répète que je t’aime Est-ce la parole d’un absent

Vous mes soleils en solitude Vous mes compagnons du refus Longtemps j’ai dansé votre étude J’aime toujours votre raffut Si je suis né loin de chez moi C’était pour vers vous revenir Ah! Pouvoir dire après combat J’ai tant aimé je peux mourir

Je n'ai plus vingt ans

Je n’ai plus vingt ans paraît-il Sûrement un truc manigancé Ces bruits d’horloge c’est bien le style D’un complot du calendrier Même si de plus en plus souvent Je cherche ma gueule d’avant hier Au fond d’un miroir contrariant Qui ne sait rien des bonnes manières

Je n’ai plus vingt ans v’là autre chose Je souscris peu à cette idée Et après quoi ? La ménopause Plus rien ne saurait m’étonner Quand on est jeune un moment On prend de mauvaises habitudes J’étais chez moi dans le présent Ce présent qui n’est que prélude

Je n’ai plus vingt ans oui c’est vrai C’est ma copine qui les a Enfin plutôt qui les avait D’un bon ami elle prit le bras Et du meilleur tant qu’à bien faire Non aucun grief à son endroit Lui en vouloir mais pourquoi faire L’âne de braire a bien le droit

Plus vingt ans moi mais c’est tout vu Des rumeurs des ragots des jaloux des bobards Moi j’aurais moi vingt ans de plus Au compteur aux contours au comptoir racontars

Je n’ai plus vingt ans c’est tant mieux Et mon ami c’est Paul Nizan Pourquoi il nous dit ça le vieux Et bien cherchez jeunes ignorants Je vois des signes inquiétants Il y a des ministres de mon âge Faut se tirer tant qu’il temps Vieillir est un mauvais présage

Alors à tantôt dans longtemps On s’appelle on s’fait un naufrage

La bienfaitrice

Nous nous croisons et tu prends soin bien sûr De me snober de m’ignorer c’est dur C’est dur mais guère surprenant ah non Tu en ignores tellement que bon Ignorante à ce qu’il me semble Te sert de deuxième prénom Ignorante pas ingénue mais qui D’ores et déjà ne t’as connu hormis Ce bon vieux pape à la retraite Pleurant du fond de sa braguette Les pêchés qu’il n’a pas commis

Mais du pontife ne désespérons pas Gageons que bientôt le saint père viendra Te visiter le magistère Prosterné un genou à terre Il chantera fort les mystères De ta divine académie

V’là qu’on s’ recroise tu me toises et il faut Que tu me prennes ça m’fait d’la peine de haut Du haut d’un mètre cinquante huit pardon C’est peu crédible c’est mon opinion Mais ton visage est un chef-d’œuvre Rien ne me fera l’oublier Tandis qu’à ton bras se promène L’étalon du mois de la semaine Le sicilien est de saison Car l’Italie c’est bien ta veine A un incroyable étalon

Pourtant Dieu sait que j’aimais tout en toi Jusqu’à ta particule qui parfois L’emportait sur ta partie tête Question d’équilibre peut-être L’angle de vue laissant paraître Mal le tréfonds de tes pensées

Ta literie d’utilité publique Mérite les honneurs de la république Tant de mâles tu accueillis dans ton Lit qu’on te loue comme le vieux Danton Ta couche rentre dans l’histoire Ton lit est un lit de roman S’il eût connu la bienfaitrice Dante eut renommé Béatrice Le fou d’Elsa dans ses tourments (eût) Bu à la source inspiratrice Des films érotiques d’antan

Pour tant de plaisir grâce on te rendra Le Panthéon t’ouvrira grand les bras Plaisir rendu à la nation Soleil étoiles rougiront Puis on verra sur l’horizon Les arc en ciel bander pour toi

La cruauté des roses

J’vois bien que tu vas mal T’as le sourire en cendres Au goulot du canal Tu boirais tout novembre

Tu dors lampe éclairée Mais le visage éteint Où vont tes yeux fermés Quand tu ne dors pas bien

Je vais pas te promettre Son retour pour midi Je sais ni Dieu ni maître Et puis chacun sa nuit Et chacun ses fantômes Du berceau au linceul Ça n’est jamais en somme Que l’on peut dormir seul

On couche avec des ombres Nulle fierté au pieu Ce coma où l’on sombre Nous fait baisser les yeux

Depuis combien de temps T’as le cœur à l’amende Et les yeux du mendiant Tu attends qu’on t’attende

Je sais tu t’en sors pas Tu te noies dans ta Leffe Elle ne reviendra pas Tu ne t’appelles pas Jeff

Je ne suis pas Jacques Brel Mais je peux faire une chose Pour que tu oublies un peu La cruauté des roses Elle se fout bien de toi Au bout de ton chagrin L’amour n’existe pas Mais sans lui tu n’es rien

Rien qu’une gueule de bois Pissant des infortunes Allez viens on s’en va Je vais t’en chanter une

Les coquelets

Le jour du sud a la texture Du miel diffus des gorges heureuses Je m'y perdrais le temps que durent Les saisons de l'astre amoureuses Voilà un banc square automnal Me vient la brise le souffle au cœur Pour aider la jeune fille pâle Qui berce sa petite sœur

Pendant ce temps les coquelets Font des concours de friandises On leur a dit virilité Ça s'écrit s-o-tt-ise

Adieu matin on fait le deuil De sa jeunesse en location Salut midi salaud tu cueilles Comme à la faux mon horizon Mais qu'elle est belle la charnière On l'aimerait jusqu'à la mort Cet âge au milieu de la mer Tu sais déjà tu peux encore

Pendant ce temps les coquelets Se vérifient la friandise Ça leur prend tout le cervelet Pour mener à bien l'entreprise

Le vent du soir nous est précieux Et sa chanson est consolante Qui fait le timide audacieux Demain je parle demain je tente Sous ton masque de société Quand tu déposes ta grande gueule Je chante pour celui que tu es Quand tu es nu quand tu es seul

Pendant ce temps les coquelets Se courent après la friandise On leur dit virilité Alors ils courent et ils s'épuisent Dans leurs bagnoles sous leurs haltères Tant bien que mâles combler le vide Jour après jour faire et refaire Mille tonneaux de danaïdes

Les mêmes goûts

L'homme de foi ou l'humaniste Me demandait en quoi tu crois Nul ne peut vivre et nul n'existe Sans un principe sans une foi Nous croyons tous en la justice La paix l'amour etc… Avant que mes paupières ne plissent Je le coupais oui mais voilà Nous n'avons pas les mêmes goûts

Les convaincus me pompent l'air Tous les boy-scouts à idéaux Ne savent pas combien d'enfers Ils ont pavé salut bigots Salut croyants et militants Je sais qu'au fond on est semblable On passe le plus clair de son temps À se rendre la vie supportable Sauf qu'on n'a pas les mêmes goûts

La paix est une respiration Entre deux guerres deux jalousies Qui dure heureuse suspension Le temps de recharger le fusil Quand à l'amour n'en parlons pas Ou bien trouvons un autre mot Mesdames est-ce de ma faute à moi Si le phallus vous fait défaut On n'aura pas les mêmes goûts

Ne croire en rien c'est du boulot Le désespoir c'est du talent C'est une éthique merci Léo Je l'ai compris avec le temps Le désespoir précieux dédale Oú n'entrent pas les convictions C'est trop grégaire trop animal Ça ne passe pas le portillon On n'aura pas les mêmes goûts

Les héros sont des gens discrets Qui donnent silencieusement Leur vie pour qu'on puisse se marrer Pour un dessin le prix du sang Blasphaimez vous les uns les autres Puis après foutez moi l'athée Comme le disait le pitre apôtre Quand sur la piste ils l'ont buté

On ne rit pas des choses là Ben si on rit et tralAllah Dans la Moïse on Jésus Christ Dans le désert et dans la vie Quand on n'a pas les mêmes goûts Quand on n'a pas les mêmes goûts

Mes mauvaises pensées

Je ne veux pas dire de mal De toi mais comment nier Tu n’as aucune manière Il faut le constater Le matin dans mes yeux Tu fous de l’eau partout Et occupes des lieux Dont tu as mis les bouts

C’est pas que je m’ennuie De toi mais je m’absente Comme de ma propre vie Qui aurait pris la tangente Et qui t’aurait suivie En me laissant sur place L’enveloppe est ici Il reste la carcasse

Y a plus la foutue molécule Qui poussait la machine

Je rejoue nos ébats Dans un lit famélique Quelqu’un d’autre voudra Te donner la réplique Un fessier de ce rang D’un si brillant éclat Ne saurait très longtemps Demeurer sans emploi

Faudrait pas que ton monticule Manquât de visiteurs

J’arrête là mon char Et puis tu me connais J’ai le chagrin vachard Et puis je te connais Tu sais être indulgente Et voudras pardonner Mon fiel et mes gueulantes Mes mauvaises pensées

Ce salaud le printemps Vient t’offrir l’âme sœur Et mieux qu’un concurrent J’ai donc un successeur Alors si j’comprends bien Tous nos projets de vie Nos envies de gamins Et Rennes sous la pluie Tout ça là on annule Et on en reste là

Et merde à ton jules Et merde à ton jules

Quand tu ne reviendras pas

Tu auras frotté tes yeux A bien des horizons Des aurores à floraisons Dans les matins silencieux Et des soirs à se damner Pour rire ou bien pour pleurer Pour se taire et puis apprendre Ce que je n’apprendrai pas Que je ne pourrai comprendre Quand tu ne reviendras pas

Tu auras pris un accent Comme un goût des antipodes Le mien n’est plus à la mode Au pays de tes vingt ans Ce pays que tu arpentes Pour t’y inventer une âme Et y parler un langage Que ton cœur savait déjà Que je ne saurai comprendre Quand tu ne reviendras pas

Il faut un jour se méfier De nos racines profondes Car nos racines nous parquent Qui a vu tous les couchers De soleil de par le monde A plus d’un ciel à son arc

Regarde le notre enfant Arrêté dans sa course Dans le néant de mes bourses Et le désert de ton ventre Nulle part il ne rentre Nulle part il n’existera Une idée sans avenir Qui ne dira pas maman En t’envoyant revenir Quand tu ne reviendras pas

On peut faire sur le papier Un voyage de mappemonde Mais nul n’y trouve sa marque Qui a vu tous les couchers De soleil de par le monde A plus d’un ciel à son arc

Je n’ai qu’un ciel et dans le parc Je m’étends sur l’herbe docile Je m’y invente un exil Tu es soleil et tu es l’onde Tu es la voix et le secret Tu es cette ombre imaginée Qui me dit je reviens A l’heure où je m’endors Pourquoi est-ce que j’entends Je reviens je t’aime encore

Je n’irai pas courir tes cieux Au rythme lent des saisons Ils auront donc eu raison Ceux qui disaient sentencieux Celui qui écrit ne vit pas Mais désormais que t’importe Un peu plus loin et plus forte En cet ailleurs venu te prendre Que je ne pourrai comprendre Quand tu ne reviendras pas

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